Going Nowhere (Chill Bump) : NOW ! HERE !
Les Chill Bump ne vont nulle part. Pas qu’il aillent n’importe où, non. Justement, ils n’y vont pas. Ils restent là, eux. Par contre leur musique, elle, elle va péter des gueules. À base de grandes claques dans les oreilles même. Bref, Going Nowhere est (enfin) là.
Panorama
Chill Bump. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Quels sont leurs réseaux ? Notre enquête sur ce phénomène qui envahit tranquille la scène hip-hop.
Chill Bump ce sont deux bonhommes : MC Miscellaneous, jongleur de mots et Bankal, beatmaker, DJ et turntablist de son état. Si vous avez l’occasion d’emprunter la BMW dorée et que vous réglez le convecteur temporel convenablement (de 6-7 ans en arrière) vous trouverez certainement le premier de nos compères sur les planches avec Fumuj ; groupe en/de fusion rudement recommandable et extrêmement écoutable. Quant au deuxième larron, vous pourrez très probablement l’apercevoir caché derrière ses platines ou à tirer des caisses de vinyles en championnats DMC (par exemple).
Le duo est un duo depuis 2010 et, dès 2012 (selon leur bancamp), s’égrènent les EP : Starting From Scratch, Back to the grain, Hidden String, The Loop. Œuvres que nous vous ordonnons d’ailleurs très cordialement de découvrir (à prix libre en plus !) car les quelques pistes qui les composent valent franchement le détour.
le sens du rythme, des samples et le flow sacré
C’est fin 2014 que nous découvrons Chill Bump avec leur premier album Ego Trip. Impressionnés par les ambiances, le sens du rythme, des samples et le flow sacré de Miscellaneous, cet album (trop court) a vite rejoint notre Hall of Fame…
Entre Alpha et Omega, le groupe balance des vraies petites bombes : The memo, I Get the Job Done, Sick ; à dire vrai c’est tout l’album qui mérite d’être salué et écouté, d’autant plus qu’il est d’une cohérence aiguë. Côté prod’ c’est propre et sauvage à la fois : du sample, des scratchs, des synthés au beatmaking… faites-vous votre avis, on ne peut vous dire que ça !
Deux ans et des scènes plus tard, on désespérait un peu puis, fin 2016, l’EP Crumbs vint prouver que, parfois, les miettes sont des pépites.
intelligent et bagarreur
On note une belle évolution de la musique du duo qui cultive la finesse pour mieux frapper ; intelligent et bagarreur, on aime. Dans cet opus de 20 minutes à peine, les morceaux sont numérotés (et les instrumentales fournies en deuxième partie de disque).
S’il fallait ne choisir qu’un seul morceau on vous recommanderait celui Six-dessous.
Going Nowhere
Dire que nous étions complètement vierges et neutres à l’arrivée de Going Nowhere serait mentir : enthousiastes, impatients et inquiets seraient des qualificatifs plus justes. Histoire de préparer leur audience « en douceur », Chill Bump a balancé un clip pour Fuckwit au mois de septembre…
Connaissant les loustics, nous avons donc pris le temps de travailler notre posture en attendant le nouvel opus du groupe. C’est donc tels des sumos, jambes bien plantées dans le sol, campées et sourcils froncés que nous avons pressé le bouton PLAY sur Going Nowhere. Et… on a quand même pris une claque, on a fait trois tours sur nous même, puis on a relancé la lecture.
posée seule sur un synthé, la voix Miscellaneous est en lévitation
L’album démarre sur le titre éponyme Going Nowhere. D’abord posée seule sur un synthé (le même que dans Six d’ailleurs), la voix Miscellaneous est en lévitation. Puis viennent les basses et les beats… minimaux presque solennels et le refrain :
« Fuck what they say, we here and stay »
Ah mais c’est pour ça donc qu’ils ne vont nulle part ! — Ouai. Quand le morceau s’arrête sur les violons pizzicato, on pourrait arrêter l’album : « Merci messieurs, vous avez fait le taff, nous on va tourner en boucle sur ce morceau ». C’est en effet une sacrée mise en bouche ; Going Nowhere est une bombe. Et l’album continue.
Save the day paye son 8-bit, ses héros et ses scratchs fous. Blasé nous emmène zoner, à la cool, avant qu’on ne s’allonge dans l’herbe avec Daydreaming, premier interlude instrumental.
le dernier opus du duo allonge et fait durer le plaisir
À la fois parsemé de longs moments sans voix et de moments de rap tendus comme dans Me, My words and my testicules ; le dernier opus du duo allonge et fait durer le plaisir. Ce faisant il offre l’opportunité chaque piste de prendre l’importance qui lui revient : ici, plus de temps permet plus de contraste. Pour autant, la fin de l’album arrivera quand même trop vite.
C’est quasiment en toute fin d’album qu’arrive Fuckwit/Quarantine, ses clochettes et sa basse tonitruante. On se balade sur le son de Chill Bump, en fait de n’aller nulle part, cet album va tellement bien pour aller quelque part ! On finit sur un Panorama à la prod’ puissante, une montée lente s’achevant sur un point d’exclamation électro ; un morceau qui bien qu’il clôture l’album pourrait passer pour une intro. Impossible d’ailleurs de ne pas le mettre en opposition directe à Going Nowhere.
La musique de Chill Bump a évolué c’est incontestable, et, sans que ce soit réducteur, principalement sur la forme. Dans ses textes le duo interroge notre société, nos addictions, nos politiques… mais se remet aussi en question. Les réflexions plus personnelles, telles que dans Panorama, font aussi la richesse de cet album, forgent sa sensibilité.
Going Nowhere est un bel exercice d’équilibriste
Toujours extrêmement bien produit Going Nowhere est un bel exercice d’équilibriste. Le flow de Miscellaneous est à l’image des instrus : à la fois fluide et rythmique. Résultat, fort d’un minimalisme calculé, le son Chill Bump prend de l’ampleur : spacieux et aérien, mais les pieds toujours bien sur terre. Exactement ce qu’il nous fallait pour avancer plus léger.
Notez que l’intégralité de la discographie du groupe est disponible à l’écoute sur la chaine YouTube du groupe ainsi que sur son bandcamp où vous pourrez d’ailleurs acheter tous les anciens albums de Chill Bump à prix libre (et ça c’est quand même pas mal).
Et, comme d’habitude, notre petite playlist YouTube à partager qui va bien.