John Frusciante, Foregrow EP : conversations & électronique
Quelques mois après la publication relativement sauvage – ou libre, disons – de 14 titres issus de divers projets et de longs mots d’explication, John Frusciante vient de publier un nouvel EP. Confirmant l’embardée électronique du musicien, Foregrow est cette fois aussi accompagné d’une communication directe à l’usage de son auditoire. On en parle ?
Que ce soit à travers ses morceaux, ses publications ou ses communications, John Frusciante – l’irremplaçable ex-guitariste des Red Hot Chili Peppers, auteur d’albums solos remarquables, de collaborations telles qu’Ataxia, du projet acide Trickfinger et producteur du groupe de rap Black Knights – ne cesse de déclarer sa liberté. Fin novembre 2015, en plus d’offrir gratuitement à ceux qui le suivent quelques titres, il se fendait d’une lettre sobrement intitulée « Hello audience ». Au sein de celle-ci, en plus d’annoncer l’ouverture d’un Bandcamp et d’un SoundCloud lui permettant de diffuser plus directement ses morceaux à son auditoire, en plus d’expliquer la teneur, le contexte et la technique autour des morceaux publiés ce jour-là, John exprimait humblement sa reconnaissance d’avoir encore un public alors qu’il est complètement sorti du circuit « standard » de la musique.
I am grateful that I still have an audience, considering that I do not make music preconcieved to conform to “what people want”. I don’t think people know what they want, except that the general public thinks that artists should sound as their audience expects them to.
Retrouvez l’intégralité du billet adressée à son auditoire sur le site officiel de John Frusciante
Foregrow
Le 31 mars, au sein d’un nouveau billet, l’artiste annonçait la sortie d’un « nouvel » EP sur le label Acid Test. Nommé Foregrow, ce dernier compile 4 morceaux enregistrés en 2009 lors des premières manipulations de Frusciante sur la mythique boite à rythmes TB-303.
Encore une fois le compositeur dévoile contextes, influences ainsi que les pourquoi et comment des morceaux. S’il s’agit d’un acte assez rare de la part d’un artiste que de décortiquer chacune des pistes d’une œuvre. L’exercice est de plus effectué avec une précision assez rare ; le lecteur en ressort d’ailleurs (au choix et suivant son niveau de technicité) soit avec l’impression d’avoir « taillé le bout de gras avec un pote zicos », soit complètement perdu. Les références aux synthés utilisés sont en effet légion au sein du billet ainsi que quelques conventions musicales.
Pour compléter l’aspect tout à fait geek de cette communication, John y poste même quelques photos de son studio (ci-dessous).
Pour finir, on peut lire quelques détails concernant le choix des morceaux ainsi que la jaquette du disque. Retrouvez l’intégralité du billet ici.
L’écoute
En écoutant Foregrow, impossible d’abord de ne pas repenser à Enclosure ainsi qu’à l’escapade Trickfinger. Impossible non plus de ne pas se souvenir de l’interview où l’artiste évoquait le lien entre mathématiques et musique ; Frusciante cite Squarepusher, Autechre et Venitian Snare comme références dans sa communication du jour et ce n’est pas pour rien.
Foregrow, comme l’ensemble de l’EP, est une œuvre portée par des basses rapides à la construction relativement simple et des rythmiques denses tout droit sorties d’une (classique) TR-808 ou consorts. Les sons sont systématiquement (et synthétiquement) bruts, peu traités comme la voix de John, qui sert de lead, sur la 1ère piste. Sur Expre’act (expression act ?) c’est sa guitare « re-synthétisée » qui prend ce rôle… là aussi le son en est simple et dépouillé, mais la virtuosité des solos de l’artiste restent inimitables.
Alors que Frusciante se détache musicalement des conventions, la structure de ces deux premiers morceaux renvoie une image un peu formelle, un peu électro-mécanique et froide.
L’EP prend un peu plus d’espace dans sa deuxième moitié. Les titres Lowth Forgue et Unf sont en effet plus envolés et plus solaires. Ils sont de fait également plus faciles à écouter pour l’oreille lambda. On y retrouve la construction singulière de certains morceaux des derniers albums de Frusciante… partitionnés dans le ton comme dans In your Eyes ou Sleep (pour les connaisseurs). Et ce n’est ni chronologiquement ni étymologiquement étonnant. « Foregrow » dont la traduction littérale pourrait être « avant-croissance » est bel et bien formé de morceaux précédents Letur-Lefr, PBX Funicular Intaglio Zone et, surtout, Enclosure.
Foregrow EP parlera sans aucun doute plus facilement à l’audience de Frusciante qu’aux non-initiés c’est évident. Brut, mais travaillé, de structure simple, mais à la composition complexe, il est délicat à décrire. Disons simplement qu’il est une tranche de vie musicale partagée avec l’auditoire de l’artiste. Une communication certainement aussi appréciée que les quelques mots qu’il accompagne.